La folie des prétendants (conte traditionnel cosmopolite, par Ss'rhii’zakh)
Il fut un beau jour, à la lumière d’Ön, une jeune princesse darken qui était très belle, et avait bien d’autres qualités ; elle avait une vraie force de caractère, et de l’esprit infiniment. Très douée dans tous les domaines, éloquente, elle faisait aussi preuve d’empathie et d’une grande intelligence.
Son père voulut la marier, et il invita des courtisans à se présenter. Mais elle refusait de se plier à cette idée, appréciant la vie comme elle l’était, et ne voulant pas devenir l’objet précieux d’un quelconque galant. Elle savait que si ces nobliaux la désiraient, c’était pour sa beauté et son statut, non pour sa personne, et qu’elle servait d’objet de collection et d’exhibition à leur côté.
Le prétendant de l’Ouest commença par faire remarquer d’un air contemplatif que les yeux de la princesse étaient aussi profonds et intenses que les Saphirs du fond de l’Océan Abyssal.
Le prétendant du Nord apprécia la légèreté de sa voix et la pureté de son souffle, qui étaient, disait-il, aussi éthérés que les êtres de lumières du Fjord Étincelant.
Le prétendant de l’Est fit l’éloge de ses cheveux, dont les reflets mordorés, d’après-lui, évoquaient ceux de la première ambre noire de l’Arbre-Monde.
Le prétendant du Sud loua l’incommensurable finesse de ses traits, et la compara à celle des cristaux de sable antiques des cavernes profondes et perdues de l’Akeneï.
Ils ne se privèrent pas non plus de complimenter tous les quatre la gentillesse, l’intelligence et la grandeur d’ me de la jeune fille, qui soi-disant les avait émus.
La princesse ne se laissa pas prendre par la flatterie. Elle releva tout d’abord qu’il était particulièrement intéressant que ces quatre nobles ne tarissent d’éloges sur son esprit, alors qu’il ne lui semblait pas les connaître du tout.
Puis elle leur proposa un défi pour prouver l’honnêteté de leurs déclarations, et déterminer celui qui allait être son futur époux. Il leur fallait chacun ramener, comme preuve de leurs sentiments, un échantillon de tous ces artefacts précieux et magnifiques de leurs compliments.
Les prétendants se regardèrent, horrifiés, car tout ce dont ils avaient parlé, aussi bien les uns que les autres, était d’une rareté inénarrable.
– Êtes-vous sûre de la pertinence d’un tel concours, ma dame ? s’enquit le prétendant de l’Est.
– Vous savez, nous pourrions nous départager d’une autre manière, qui justifierait de notre esprit, ou de quelque autre qualité, tenta audacieusement le prétendant du Sud.
– Je suis certaine de mon choix, répondit la princesse, intraitable. Celui d’entre vous qui m’offrira un saphir abyssal, un être étincelant, une ambre noire originelle, ou un cristal de sable ancestral, gagnera ma reconnaissance de son engagement et de sa dévotion, et je me verrai être sienne à jamais.
Le prétendant de l’Ouest se mit en route vers un port des îles d'Ayala, afin d’y rassembler un équipage motivé à braver l’océan. Le prétendant du Nord, quant à lui, partit en solitaire en direction du Kamsha, afin de localiser le légendaire Fjord Étincelant. Le prétendant de l’Est s’en alla se perdre dans les méandres des bibliothèques du Nem-Rod, avec l’idée d’apprendre où étaient conservées les ambres originelles de l’Arbre-Monde, et comment s’en procurer une. Enfin, le prétendant du Sud prépara son expédition pour explorer les crevasses traîtresses et dangereuses du désert Akeneï.
La princesse se réjouit temporairement d’avoir eu cette idée qui reculait l’heure fatidique où il lui faudrai épouser l’un de ces freluquets.
De nombreux mois plus tard, le prétendant de l’Ouest se présenta à la princesse, avec un magnifique joyau dont l’infinité du bleu et l’intensité étaient captivantes. Elle l’admira, réellement impressionnée, puis demanda à l’homme comment il avait franchi les frontières de la puissante nation nécrosienne qui régnait au fond de l’océan. Il ne sut répondre, et la princesse fit appel à un géologue renommé qui inspecta le saphir plus en détail. Il en conclut que la pierre, bien qu’admirable et d’une grande valeur, n’était pas un saphir abyssal. Le prétendant détala, de peur de représailles à l’encontre de sa noble tête, après la découverte de sa supercherie, et l’on ne le revit plus jamais.
Il va sans dire qu’il en advint de même pour les prétendants du Nord et de l’Est, qui tentèrent d’amadouer la princesse avec des babioles, et échouèrent à duper celle-ci, qui n’était pas née de la dernière Saison des Pluies.
Le prétendant du Sud quant-à-lui, connut un destin tragique, dans sa volonté déraisonnable de faire du zèle pour séduire la princesse, afin qu’elle lui appartienne. Alors qu’il fouillait une crevasse en plein désert avec l’équipe qu’il avait assemblé pour l’aider à cette tâche, son lien rompit, et il glissa dans un gouffre sans fond.
La jeune fille, apprenant la nouvelle, et n’ayant jamais souhaité ceci, fut choquée. Elle se sentit responsable de la tragédie, et s'attrista de la folie des hommes lorsqu’il s’agissait de posséder quelque chose d’une grande beauté et d’une grande valeur.
Ceux-ci, pourtant dénués de sentiments sincères, étaient prêts à mentir à leur future femme, et même à mourir, juste parce que cette dernière représentait un idéal qu’ils désiraient.
Alors la princesse, comprenant qu’on ne la laisserait tranquille tant qu’elle n’aurai pas trouvé chaussure à son pied, revêtit des vêtements de voyage, fit ses adieux à sa nourrice et à ses précepteurs, et partit dans la nuit. Puisque d’autres auraient voulu décider de sa vie à sa place, elle ne leur en donna pas l’occasion. L’on dit qu’elle voyagea de par le monde, rencontra éventuellement son Âme sœur, et vécu heureuse jusqu’à la fin de ses jours.
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